Thierry Martin

Thierry Martinest un cow-boy

Lieu : Un chalet enneigé du Jura.

Thierry Martin est vanné. Entre deux planches de Mickey Mouse (avec Cornette), un épisode de son avatar, le fameux despérado de l’Ouest Jerry Alone, et autres projets secrets, il a dessiné fiévreusement toute la journée. D’ailleurs, tout attaché à courber des pin-ups à l’encre noire et à saupoudrer d’acrylique blanche (à la brosse à dents) quelques chevaliers enneigés, Thierry confond parfois dans la précipitation, sa tasse de café avec le gobelet d’eau noire posé juste à côté.

Impossible de résister plus longtemps à la torpeur : sa tête tombe lourdement sur la table à dessin, dans un magnifique BOUM digne d’une onomatopée de Peyo, tandis qu’il s’endort derechef. Du haut de son crâne, une porte invisible cachée dans la chevelure grise du juvénile cinquantenaire s’ouvre. En sort une mystérieuse peuplade bigarrée composée de pétroleuses girondes, de cowboys burinés, de chiens errants de Cayenne, de leur cousin Renart tout droit sorti du roman éponyme ou encore de sombres justiciers aux yeux froids. Les voilà tous, déjà, qui se répandent sur la table Ikéa, jouant avec les gommes, s’affrontant dans des duels où les pinceaux bouzillés remplacent les épées médiévales. Tic ! Tic-Tac ! Tic et re-tic !

Après s’être accordés qu’il y avait mieux à faire que se battre, la tribu hétéroclite se prend d’une envie commune d’embruns, de bruits de vagues, de Grand Large, de tavernes, de… de… de Saint-Malo, quoi !

Dans quelques heures, la petite faune aura réintégré la tête de Thierry, ayant pris soin de bien refermer la porte derrière eux. À table au petit déjeuner, sa femme et ses enfants vont encore bien rigoler en découvrant les phylactères imprimés à l’envers sur son visage, pointant, hilares, son grand nez aquilin rougi par la chute.

Ého ! Ça va bien aller, oui ! Non mais sans blague ! Je suis un artiste, j’expérimente ! J’explore de nouveaux espaces intericoniques ! Alors un peu de respect !

Ne le répétez pas, mais Thierry, C’EST Jerry Alone : ce cousin jurassien de Lucky Luke qui déambule dans les pages de Fluide Glacial avec l’assurance d’un chercheur d’or verni dans un bordel du Yukon. Thierry est donc un cow-boy. Un VRAI. Il y a deux ans, il a même bu du ouiski. Deux fois de suite.

Tiens ! Saint-Malo ! Pourquoi ai-je cette soudaine envie de retourner à Quai des Bulles, moi ? se dit-il en retournant travailler.

Si ce n’est déjà fait, venez découvrir les habitants de la tête de Thierry Martin. En toute logique, quelques-uns pourraient bien venir faire un petit tour dans la vôtre.